Synopsis
Associée à une œuvre cinématographique qui a profondément bouleversé notre rapport à l’Histoire, Ziva Postec est une artiste méconnue qui a voué près de six ans de sa vie au montage de Shoah. Ce film-fleuve de Claude Lanzmann devait transformer à jamais notre compréhension de l’histoire de l’extermination des Juifs d’Europe pendant la Seconde guerre mondiale. En plongeant dans ses souvenirs personnels, cette dentellière de l’ombre, « survivante » à sa façon, se livre pour la première fois à la faveur d’un récit où des images inédites du tournage refont surface. Partie prenante jusqu’à l’obsession d’une entreprise de création hors du commun, Ziva Postec se révèle à la caméra une véritable héroïne du quotidien. Sa force d’engagement et sa luminosité contrastent avec les jours les plus sombres de l’humanité.
Mot de la réalisatrice
Printemps 2012. Attablée dans un café montréalais, je rencontre un doctorant pour discuter cinéma, mais surtout montage en documentaire. Il termine sa thèse, qui porte sur le film-fleuve Shoah de Claude Lanzmann. Une œuvre, m’explique-t-il, qui a changé notre compréhension de l’Histoire et fait entrer le mot « shoah » dans la langue courante. J’apprends que le montage du film a été fait par une femme, à Saint-Cloud, en région parisienne, et qu’il a nécessité près de six ans de travail. Cette femme, c’est Ziva Postec, un nom demeuré dans l’ombre malgré la notoriété considérable du film. J’ai tout de suite voulu la rencontrer.
Ziva et moi avons discuté pendant des heures dans son appartement du vieux Jaffa. Celle qui a collaboré avec Jacques Tati, Orson Welles et Alain Resnais voit sa trajectoire prendre un virage lorsqu’elle rencontre le réalisateur C. Lanzmann. Elle est alors happée par une expérience de montage à la fois exaltante et cauchemardesque de laquelle naîtra une œuvre monumentale. En même temps, elle se perd dans cette rencontre obsédante avec sa propre histoire, en brisant sur sa table de montage le silence gardé par ses parents. Elle plonge dans ses souvenirs et questionne l’obsession que peut faire naître l’engagement dans une œuvre. Jusqu’où peut-on aller dans le don de soi à une œuvre qui n’est pas la nôtre?
J’ai voulu que le film entremêle finement les trames de la vie de Ziva et nous emporte dans les dédales de sa mémoire. Il s’agissait non seulement de retracer le destin hors du commun de cette femme, mais aussi de mettre en lumière le métier de monteuse, et de questionner le sens que revêt l’édification d’une œuvre phare une fois les projecteurs éteints.