Synopsis
Dans Un amour d’été (Grand prix de la compétition nationale RIDM 2015), Jean-François Lesage parcourait le mont Royal afin de capter sur le vif des discussions à cœur ouvert. La mise en scène sensible du cinéaste parvenait à transformer la montagne en microcosme propice aux échanges intimes. Deux ans plus tard, c’est au cœur d’une forêt transfigurée en cocon intemporel que se pose la caméra de Lesage. Encore une fois, la nature semble libérer la parole et favoriser les confessions tour à tour inspirantes, tourmentées, touchantes, maladroites et, toujours, si humaines. À contre-courant d’une époque où les écrans s’interposent constamment entre les gens, La rivière cachée nous invite à contempler la beauté mystérieuse de la nature et à redécouvrir l’importance des moments partagés.
précédé de Dialogues de Philippe David Gagné (2017 - 6 min.)
MOT DU RÉALISATEUR
Le tournage
Le tournage a été une expérience unique. J’ai passé 40 jours dans une forêt, sur le bord d’une rivière sauvage avec ma preneuse de son Marie-Andrée Cormier, une Gaspésienne de New Richmond, à filmer des conversations dans des éclairages crépusculaires. Le lieu, envoûtant, invite au recueillement et à la confidence, mais il est difficile d’accès avec de l’équipement cinématographique. Une marche périlleuse sur un sentier boueux et escarpé était nécessaire pour se rendre à notre lieu de tournage.
J’ai trouvé certains protagonistes sur place, mais, vu le caractère isolé et secret du lieu, j’ai aussi dû en convier d’autres à venir nous rencontrer sur le bord de la rivière. Ils étaient de la région ou simplement des touristes de passage. Nous avons pu filmer une quarantaine de rencontres pendant l’été. Une centaine de personnes ont participé au tournage. Nos sujets avaient entre 5 et 100 ans.
La méthode
Il y plusieurs années, je suis tombé sur cette citation de l’écrivain Christian Bobin, qui m’a beaucoup inspiré pour le tournage de ce film : « Je voudrais parfois entrer dans une maison au hasard, m’asseoir dans la cuisine et demander aux habitants de quoi ils ont peur, ce qu’ils espèrent et s’ils comprennent quelque chose à notre présence commune sur terre. On m’a assez bien dressé pour que je retienne cet élan qui pourtant me semble le plus naturel du monde. »*
Plutôt qu’une cuisine, j’ai choisi une rivière et l’approche s’apparente à ce qui est proposé par l’écrivain. Tout le monde peut être intéressant si on prend le temps d’écouter, de s’attarder. J’ai la conviction que c’est une question de regard, de façon d’aborder les personnes. J’aime imaginer le cinéma comme un prétexte pour aller à la rencontre des gens, pour frapper à toutes les portes. J’accepte que je puisse être transformé par chacune de ces rencontres et je souhaite que mon film puisse à son tour transformer les perceptions.
Pour créer, j’aime être stimulé par les rencontres de gens que je ne connais pas avant le film. Ces rencontres me donnent accès à des univers méconnus ou inconnus, à des vies qui se développent en parallèle de la mienne. Je veux approcher mes personnages avec autant d’ouverture que je le ferais pour des amis. J’imagine un regard généreux de la caméra qui révélera la beauté des sujets plutôt que d’en montrer les travers.
Un documentaire de création
Ce terme même de « documentaire de création » n’est pas choisi innocemment : il est emblématique de ma démarche. « Documentaire » tout court évoque seulement la rugosité du réel. Mais quand on ajoute le mot « création », c’est différent. L’imagination peut injecter quelque chose dans le matériel qui vient du réel. On peut injecter de la couleur, de la musique, de la poésie. On injecte de la vie dans la vie. Cette liberté par rapport à mon matériau me donne la possibilité de créer un univers dense et évocateur, aussi unifié et cohérent que celui d’une fiction.
* BOBIN, Christian, Ressusciter, Éditions Gallimard, Collection folio 2001, 174 pages
BIOGRAPHIE
Après des études de droit, Jean-François Lesage fait ses débuts comme journaliste pour la télévision de Radio-Canada en Alberta et en Colombie-Britannique. En 1998, bouleversé par un gros plan de Gong Li dans le film Sorgho rouge, il s’envole pour Pékin. Il y vivra six ans au contact de cinéastes chinois indépendants tels Wang Bing, Zhao Liang et Yang Lina. Inspiré par leur énergie et leur courage, il réalise son premier documentaire de création, Une nuit en Chine (2004), puis avec son frère Philippe Lesage, Comment savoir si les petits poissons sont heureux ? (2009), chronique de l’été d’une bande de jeunes de Pékin. De retour à Montréal, il réalise Conte du Mile End (2013), film de clôture de Visions du Réel, puis Un amour d’été (2015), Grand prix de la compétition nationale longs métrages des RIDM. La rivière cachée (2017) est son quatrième long métrage. Le film a remporté Le prix spécial du jury de la compétition nationale longs métrages des RIDM et fera parti de la Compétition Burning Lights à Visions du Réel cette année. Le cinéaste prépare un nouveau long métrage documentaire qui sera cette fois une sorte de conte d’hiver : Prière pour une mitaine perdue.
FILMOGRAPHIE
2015 Un amour d'été (63 min)
2013 Conte du Mile End (68 min)
2009 Comment savoir si les petits poissons sont heureux? (100 min)
2004 Une nuit en Chine (52 min)