Synopsis Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière se sont rencontrés lorsqu’ils étaient étudiants en arts visuels à l’Université Laval. Et après vingt ans de carrière sous le nom BGL, qui n’ont rien entamé de leur amitié, leur carrière a proprement décollé en 2015. Fait de matériaux et d’objets de récupération, leur art de «bricoleurs intellectuels» prend en effet d’assaut les rues de Toronto et de Montréal dans d’imposantes œuvres d’art public et représente même le pays à la 56e Biennale de Venise avec leur projet Canadissimo. Alors qu’ils vivent cette année de réussite exceptionnelle, Benjamin Hogue les a suivis et nous présente dans la tradition du direct le parcours, l’œuvre et le quotidien de ce trio d’artistes ludique, décomplexé, critique, explosif et dont la fantaisie est contagieuse.
MOT DU RÉALISATEUR
«J’étais aussi déjà séduit par leur façon d’appréhender l’art − à mille lieues du décorum formel et guindé − et par leur manière de briser les barrières entre l’art et le grand public, qui me rappelait les philosophies artistiques des créateurs dont j’avais brossé le portrait dans mes films précédents, comme Lemoyne. Le choix d’un tel sujet allait donc de soi.» Benjamin Hogue
Ne dit-on pas parfois que la vie est une suite de hasards ? Cette expression s’applique bien à ma première rencontre avec BGL, qui s’est déroulée d’une manière un peu inusitée et que je me permets de vous raconter.
Devant me rendre à Québec pour une présentation publique d’un film que j’avais produit, je cherchais un endroit où dormir après la projection. Une amie proche de BGL me suggéra tout bonnement de dormir dans leur atelier, me disant qu’ils possédaient un matelas gonflable de luxe, le tout en Basse-Ville, en prime. Je ne pouvais demander mieux.
À cet instant, jamais je n’aurais pensé que la nuit que j’allais passer sur ce matelas, qui n’avait d’ailleurs de luxueux que le nom, me conduirait, quelque temps plus tard, à débuter le tournage d’un long métrage documentaire.
Était-ce les quelques bouteilles de vin bues en leur compagnie, pour souligner cette première rencontre, ou leur spécialité maison, une raclette orgiaque, que nous partageâmes, mais une chose est certaine : la nuit ne fut pas de tout repos après qu’ils m’eurent abandonné, seul, les yeux grand ouverts, cherchant le sommeil qui ne venait pas. Entouré d’œuvres délirantes en gestation, d’objets inusités − en attente d’être transformés −, en plein cœur de leur compost de création, comme ils se plaisent à l’appeler, je fus cette nuit-là pris d’une étrange fièvre.
On m’avait jeté un sort, c’en était certain. Dans ce capharnaüm artistique, BGL inoculait en moi un désir, qui plus tard s’incarnerait dans cette petite phrase toute simple, prononcée vers la fin de l’année 2012 : « Les gars, ça ne vous tenterait pas, un film sur vous? » L’envoûtement avait bel et bien fonctionné. Pour mon premier film comme réalisateur solo, après de multiples collaborations, je travaillerais… sur un collectif d’artistes!
Bien entendu, j’avais déjà vu plusieurs œuvres et installations de BGL exposées au Canada, ou j’étais tombé sur leurs créations dans des catalogues. Leur audace et leur formidable talent pour créer des univers atypiques et énigmatiques, pour maintenir le spectateur dans un état de déséquilibre, m’avaient frappé dès 2001, lorsque j’avais emprunté l’œuvre labyrinthique À l’abri des arbres au Musée d'art contemporain de Montréal. J’étais aussi déjà séduit par leur façon d’appréhender l’art − à mille lieues du décorum formel et guindé − et par leur manière de briser les barrières entre l’art et le grand public, qui me rappelait les philosophies artistiques des créateurs dont j’avais brossé le portrait dans mes films précédents, comme Lemoyne. Le choix d’un tel sujet allait donc de soi.
Je n’étais évidemment pas le seul à avoir été envoûté par le phénoménal élan créateur du trio. Au moment des premières prises de vue, en 2013, BGL était bien implanté sur la scène de l’art contemporain canadienne et internationale, mais au début de ce tournage, personne ne soupçonnait que la période qui allait suivre serait aussi mouvementée pour le trio. En à peine quelques mois, coup sur coup, les réponses positives sont tombées pour des concours auxquels ils avaient participé pour la réalisation de projets monumentaux d’art public, à Montréal-Nord et à Toronto. Qui plus est, un coup de téléphone inattendu a retenti peu de temps après. La personne au bout du fil offrait au collectif rien de moins que de représenter le Canada à la Biennale de Venise!
Après presque 20 ans de carrière foisonnante, BGL allait connaitre deux années un peu folles, qui culmineraient en 2015 avec l’inauguration des trois œuvres. Le trio ne chômerait pas. Moi non plus d’ailleurs. Coup du hasard, décidément on n’y échappe pas, je serais aux premières loges pour filmer leur processus de création, et franchir avec eux cette période charnière dans leur carrière et dans leur vie. Je pourrais aussi profiter de cette conjoncture exceptionnelle pour enchevêtrer ce réel capté sur le vif avec leurs créations passées, par l’entremise de vidéos personnelles du groupe et d’archives en tous genres, afin de jeter un regard rétrospectif sur leur œuvre prolifique.
BGL de fantaisie allait prendre vie; l’immense talent de ce trio incomparable serait exposé au grand public.
BENJAMIN HOGUE
Actif dans le milieu du cinéma documentaire depuis quinze ans, Benjamin Hogue a coréalisé Lemoyne et Le chômeur de la mort ainsi que produit le documentaire Godin. BGL de fantaisie est sa première réalisation solo. Il est directeur de l’Observatoire du documentaire.