Synopsis
Au début du XXe siècle, l'explorateur et cinéaste Robert Flaherty se rend dans la Baie d'Hudson afin de prendre contact avec les Inuit habitant les îles Belcher et les filmer dans leur habitat naturel. Malheureusement, le film est aujourd'hui introuvable. Pour Joel Health, un chercheur qui se passionne pour les canards eiders, cette disparition est une tragédie puisque le film aurait probablement permis de constater de visu les changements provoqués par la construction de barrages hydroélectriques à proximité. Malgré cela, Health met en lumière les défis posés par ces changements climatiques sur les communautés locales contemporaines, en tentant de réfléchir sur les défis qu'ils auront à surmonter dans le futur.
Au gré de la plume arctique : poème boréal
André Duchesne LA PRESSE
Le film est militant et engagé. Il pousse son commentaire éditorial. Mais on en retient bien davantage un appel des sens qui se transpose de l’écran au spectateur avec une acuité rarement vue.
Il y a les images. Magiques, lumineuses, parfois troublantes. Ces envolées majestueuses des eiders dans des cadrages très serrés. Leurs plongées olympiques sous l’eau pour débusquer oursins et moules.
Il y a les sons. Purs, crus, cristallins. Des pas sur la neige qui craque. Les cris des animaux déchirant les grandes étendues neigeuses.
Il y a le goût, sauvage, de la viande de phoque et d’eider sous la langue (cœurs sensibles s’abstenir).
Ce film est un poème. Littéralement. Et comme il traite avec originalité d’un sujet très rarement vu au grand écran, on peut difficilement demander mieux.
Long métrage documentaire, Au gré de la plume arctique nous amène dans les îles Belcher, où des Inuit vivent de chasse et de pêche depuis des temps ancestraux. Le bout du monde, version feuille d’érable.
Mais voilà. Depuis quelques décennies, la construction de grands barrages hydroélectriques et le rejet d’eau des réservoirs dans la baie d’Hudson adoucissent ses eaux en plus de ralentir les courants. Avec pour conséquences que les polynies, petites étendues d’eau qui ne gèlent pas sur la banquise et où se rassemblent les eiders pour survivre, ont tendance à se refermer, ce qui les force à migrer.
Les Inuit en perdent leur latin. Ils disent qu’on a renversé les saisons. «La glace est plus difficile à comprendre», dit l’un d’eux.
Évidemment, le point de vue des «méchants» n’est pas livré ici. On vous l’a dit, c’est un film militant. Moins acceptables cependant sont ces images racoleuses de cadavres d’eiders gisant dans l’eau glacée. Elles auraient eu un sens si on nous avait donné quelques indications sur l’évolution de la population des eiders. Il ne suffit pas de nous indiquer en début de film que plusieurs milliers sont morts mystérieusement il y a plusieurs années.
Cela dit, il ne faut pas s’arrêter seulement à l’aspect écologiste du film.
Le documentaire de M. Heath nous frappe bien davantage par son équilibre entre homme et nature, entre traditions anciennes et modernisme, entre silences et paroles. Le tout, d’une saison à l’autre, du jour à la nuit, sous des paysages grandioses.
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